Dans un établissement dont l’enseignement porte sur la cuisine et la gastronomie, le rapport à l’alcool est un sujet encore plus présent que dans d’autres établissements. On y apprend à servir des boissons alcoolisées, à les mettre en valeur, les accorder à des plats. En cuisine, les élèves sont amenés à utiliser des boissons alcoolisées dans les préparations. Si de nombreux aspects de notre société valorisent la consommation d’alcool, le phénomène est amplifié dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie.
Les motivations à la consommation d’alcool touchent à de nombreux aspects qui dépendent du rapport que chaque individu entretient avec ce produit. La consommation dite modérée est motivée par des aspects sociaux, culturels, mais aussi de plaisirs gustatifs dans le cadre de la gastronomie. Lorsque le rapport à l’alcool se pervertit, il devient alcoolisme et des motivations psychologiques et même personnels entre en jeux. La frontière entre ces deux modes de consommation est ténue et les consommateurs, en particulier les jeunes, ne perçoivent pas les signes qui indiquent un rapport dégradé et morbide au produit.
Si la surconsommation est un enjeu de santé publique, elle est aussi un risque juridique pour un professionnel de la restauration qui, selon la loi et les réglementations, engage sa responsabilité, civile et surtout pénale.

Des raisons de consommer pernicieuses
- Tradition et culture : l’alcool fait trop souvent partie des rituels, des célébrations et des pratiques sociales. Boire lors de fêtes, de mariages, de repas de famille est fréquemment perçu comme un respect de la tradition.
- Convivialité et sociabilité : l’alcool est souvent – et à tort – associé à la convivialité. On lui attribue la « vertu » de faciliter la socialisation, de briser la glace, ou pire de rendre un moment plus festif et agréable.
- Gestion du stress et se détendre : certains pensent que la consommation d’alcool permet de se détendre, d’évacuer le stress ou soulager des tensions. C’est une sensation trompeuse que la médecine contredit au simple fait des effets physiologiques négatifs de l’alcool. Notre profession est particulièrement affectée, en cuisine notamment, par les ravages de l’alcool comme supposé antistress.
- La pression sociale ou l’influence du groupe est certainement la pire des justifications : être comme tout le monde, faire partie du groupe ; dans certains contextes, la pression des camarades ou la norme sociale peut encourager à boire, notamment chez les jeunes ou lors d’événements sociaux.
Une prévention multicanaux
En milieu scolaire, la prévention est complexe et passe par une attention soutenue pour détecter les signaux faibles annonciateur d’un basculement vers une consommation irraisonnée.
L’éducation et l’information constituent les bases de toute action afin de modifier le rapport à l’alcool. La sensibilisation est la première composante de la prévention. L’organiser des campagnes d’information, d’ateliers, ou des conférences pour informer les élèves sur les risques liés à l’alcool, ses effets sur la santé, et les conséquences sociales. Il serait nécessaire d’intégrer la question et les risques de l’alcool dans les programmes scolaires par des modules d’éducation à la santé et à la citoyenneté qui abordent la consommation d’alcool, la pression sociale et la gestion des situations à risque. Une formation généralisée permettant de créer des références culturelles différentes de celles acquises dans la famille.
Un cadre éducatif clair
La perception des règles est essentielle avec un règlement intérieur strict et correctement expliqué concernant la consommation d’alcool sur le campus et des sanctions appropriées et appliquées, tout en maintenant le dialogue et un climat de confiance.
La formation des enseignants, des surveillants et du personnel, permet de repérer les signes de consommation problématique et d’intervenir de manière adaptée. La mise en place d’un dispositif d’écoute, d’orientation ou d’aide pour les élèves en difficulté ou en situation de dépendance, en collaboration avec des professionnels de santé ou des associations spécialisées, représente un engagement de moyens humains importants, mais constitue le premier moyen de traitement de proximité.
L’oisiveté et l’ennui sont des facteurs aggravants. La proposition d’activités sportives, culturelles ou associatives pour meubler les temps libres sont des alternatives à la consommation d’alcool.
Quelques pistes pour changer notre rapport à l’alcool
- Prendre conscience : la première étape consiste à réfléchir à sa relation avec l’alcool, en identifiant les motivations, les situations dans lesquelles l’on boit, et les effets négatifs.
- Se fixer des objectifs clairs : réduire la fréquence ou la quantité, ou encore arrêter complètement. Il est important d’y aller étape par étape et d’être patient avec soi-même.
- Chercher du soutien : Parler avec des proches, un professionnel de santé, ou rejoindre des groupes de soutien comme Alcooliques Anonymes peut aider à partager ses expériences et à trouver des stratégies adaptées.
- Remplacer l’alcool par d’autres activités : s’engager dans des activités qui procurent du plaisir ou de la détente, comme le sport, la méditation, la lecture ou des hobbies créatifs, pour réduire l’envie de boire.
- Modifier son environnement : éviter les situations ou les lieux où l’on a tendance à boire excessivement, ou demander à ses proches de soutenir ses efforts en évitant de proposer de l’alcool lors des rencontres.
- Apprendre à gérer le stress et les émotions : Souvent, l’alcool est utilisé pour faire face à certaines émotions ou situations difficiles. Apprendre des techniques de gestion du stress, comme la respiration, la relaxation ou la thérapie, peut aider à changer cette habitude.
- Être bienveillant envers soi-même : Le changement demande du temps et de la persévérance. Il est normal de faire des erreurs ou de reculer parfois. L’important est de continuer à avancer avec patience et compassion.

Un rapport à l’alcool selon les décennies
Les années 1960-1970 : une période de libéralisation et d’expérimentation
Dans les années 1960 et 1970, la jeunesse découvre une nouvelle liberté d’expression et d’expérimentation. L’alcool devient un symbole de rébellion, de convivialité et de recherche d’indépendance. La consommation d’alcool, souvent associée à la musique, aux fêtes et aux rassemblements, est perçue comme une étape normale de l’émancipation. Les jeunes expérimentent généralement avec modération, mais certains adoptent aussi des comportements plus risqués, spécialement lors des fêtes ou des soirées clandestines.
Les années 1980-1990 : une prise de conscience et des risques sanitaires
Au fil des années 1980 et 1990, la société commence à prendre conscience des dangers liés à une consommation excessive d’alcool. La montée des campagnes de prévention, la sensibilisation aux risques pour la santé et la réglementation plus stricte (interdiction de vente aux mineurs, campagnes d’information) modifient peu à peu le rapport des jeunes à l’alcool. La consommation reste présente, mais avec une attitude plus prudente ou modérée, notamment dans certains milieux.
Les années 2000 à aujourd’hui : une diversification et une complexification du rapport à l’alcool
Depuis le début du XXIe siècle, le rapport à l’alcool chez les jeunes s’est encore complexifié. La consommation d’alcool est souvent moins systématique, mais peut prendre des formes variées : soirées entre amis, fêtes étudiantes, ou encore consommation occasionnelle lors d’événements festifs. Par ailleurs, la perception de l’alcool évolue : certains jeunes le voient comme un moyen de socialiser, d’autres adoptent une attitude plus critique face à la culture de l’alcool, spécialement avec la montée des mouvements de sobriété ou de consommation responsable.
Les enjeux actuels : prévention, santé et nouvelles tendances
Aujourd’hui, la question du rapport à l’alcool chez les jeunes reste centrale dans les politiques de santé publique. La prévention vise à réduire les risques liés à la consommation excessive, tout en respectant la liberté individuelle. Par ailleurs, de nouvelles tendances émergent, comme la consommation d’alcool à faible teneur en alcool, ou la popularité de boissons alternatives. La société tend aussi à valoriser des modes de vie plus sains, ce qui influence le rapport des jeunes à l’alcool.